QUOTAS LAITIERS Le nouveau Parlement voudra-t-il les rétablir ?
Même si le Parlement obtenait la codécision sur la politique agricole, la reconduite des quotas après 2015 apparaît toujours aussi mince.
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La Commission s'est montrée très étonnée des déclarations de Michel Barnier laissant entendre (cf. l'Éleveur laitier n° 170, page 18) que la décision définitive de sortie des quotas ne serait pas encore prise. La vérité juridique est tout autre. Pour que les quotas existent après 2015, il faudrait une nouvelle proposition de la Commission, puis une décision du Conseil et du Parlement européens. À l'évidence pour les experts du dossier, Michel Barnier joue de façon démagogique sur les mots relatifs à la portée des rendez-vous de 2010 et 2012 pour en tirer une conclusion erronée. « Avant de dire que les quotas seront supprimés en 2015, nous devrons trouver les moyens entre Européens de maîtriser et réguler la production », expliquait-il dans nos colonnes. Le ministre aurait-il oublié qu'il a présidé le Conseil qui a décidé de ne pas prolonger les quotas après 2015 ?
Si « Lisbonne » est ratifié, Strasbourg aura son mot à dire
En revanche, l'adoption définitive du Traité de Lisbonne, fin 2009, pourrait changer la mise. S'appliquerait alors, pour tout changement de la Pac (dont la politique laitière), le principe de la codécision entre le Conseil et le Parlement. Depuis la création de l'Union européenne, le Parlement n'a eu qu'un pouvoir consultatif pour toutes les décisions agricoles. Certes, il émettait des avis sur les réformes de la Pac ou les quotas laitiers, mais, en général, la Commission et le Conseil ne faisaient, au mieux, que semblant de prendre en compte ses avis.
Aujourd'hui se pose donc la question suivante : si l'UE connaît avant 2015 une grave crise avec des milliers de producteurs en faillite, une baisse significative et durable de la production de lait, un danger de quasi-disparition du secteur laitier dans certaines régions, le Parlement pourrait-il utiliser son pouvoir de codécision avec le Conseil pour exiger le rétablissement des quotas pour l'après 2015 ? Politiquement et juridiquement, rien ne lui interdirait de mener une négociation avec la Commission et le Conseil pour atteindre cet objectif.
Malgré les difficultés évidentes auxquelles se heurtent les exploitations, aucun fonctionnaire bruxellois ne croit néanmoins que le secteur laitier puisse connaître une crise aussi grave… l'UE ayant pris et prendra si besoin, selon eux, des mesures pour l'éviter.
L'hypothèse d'un rétablissement des quotas après 2015 se heurte de surcroît à trois obstacles. Tout d'abord, la majorité libérale et celle à tendance anti-agricole se sont renforcées aux dernières élections. De nombreux pays continuent aussi de s'y opposer parce qu'ils empêchent, d'après eux, « les éleveurs d'avenir, bons gestionnaires, rentables et compétitifs » de se développer. Enfin, il faudrait redéfinir le volume de lait des pays pour en donner plus aux déficitaires (Italie, Espagne) et aux nouveaux États membres, et donc réduire les quotas des pays excédentaires (France, Allemagne, Danemark, Pays-Bas). Ces trois derniers y sont opposés. « Michel Barnier était-il prêt, l'an dernier, à proposer une diminution de la production de lait en France de 10 % ?
Non. Alors, faire croire à “l'avenir des quotas” après 2015, c'est tromper les éleveurs », décrypte un spécialiste.
HERVÉ DEBÉARN
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